La langue kabyle
Présentation générale
Le kabyle est une variété
berbère parlé en Kabylie dans l’Algérie centrale (voir carte plus
bas). Son usage est en général prédominant dans les domaines
privés même si on le trouve également dans les médias. En général,
on constate plutôt une situation de bilinguisme avec le français
et/ou l’arabe dialectal. Le nombre de monolingues est en forte
diminution avec la disparition des personnes âgées.
Il y a intercompréhension
entre les différents parlers kabyles mais elle est plus difficile
avec ceux situés dans la partie la plus orientale de la Kabylie,
parlers regroupés sous le nom tasaḥlit, encore qu’il ne soit pas
évident de délimiter géographiquement ce qu’on appelle le domaine
kabyle. De manière générale, il y a surtout des variations
phonétiques et lexicales en Kabylie mais les parlers tasaḥlit se
différencient nettement du reste de la Kabylie, parfois même au
niveau de la morphosyntaxe. En se fondant sur des critères
linguistiques, on peut distinguer d’abord deux aires en Kabylie :
une aire occidentale et une aire orientale (tasaḥlit). Ces
dernières peuvent également se subdiviser en d’autres sous-aires,
la variation phonétique en particulier étant plus moins importante
selon l’aire.
Les récits 1 et 2 appartiennent à l’aire occidentale tandis que le récit 3 nous vient de la partie orientale. Pour les particularités de ce dernier parler, voir la variété tasaḥlit.
Les récits 1 et 2 appartiennent à l’aire occidentale tandis que le récit 3 nous vient de la partie orientale. Pour les particularités de ce dernier parler, voir la variété tasaḥlit.
Phonétique et Phonologie
La majorité des parlers kabyles possèdent trois caractéristiques : la spirantisation des occlusives, l’affrication et la labio-vélarisation.1. La spirantisation des occlusives est systématique : les occlusives (b, t, d, ḍ, g, k) de variétés comme le chleuh (sud du Maroc) ou le touareg deviennent des fricatives (ḇ, ṯ, ḏ, ḏ̣, ḡ, ḵ) ou dans l’alphabet phonétique international [β, θ, ð, ðˁ, ʝ, ç]. Il s’agit d’un affaiblissement des occlusives.
aḍar [aḏ̣aṛ] = pied ; akal [aḵal] = terre ; adar [aḏar] =rang, rangée ;
itri [iṯri] = étoile ; agu [aḡu] = brouillard ; tablawt [ṯaḇlawṯ] = gourde
Il existe néanmoins des contextes phonétiques où l’occlusive est préservée, par exemple :
[nt] : ntu [ntu] = être fiché, enfoncé ; [nd] : anda [anda] = où ; [rg] : argaz [argaz] = homme ; etc.
2. L’affrication : on compte au moins quatre affriquées : ţ [ʦ], z̧ [ʣ], ǧ [ʤ] et č [ʧ]. On notera que dans certains parlers à la frontière orientale de la Kabylie, [ʦ] n’est pas attesté et correspond à t tendu [tt]. On ajoutera que l’affrication peut ne pas apparaître dans des contextes d’assimilation de certains parlers occidentaux.
netta ([nətsa] ou [nətta]) = lui ; ǧǧiɣ = j’ai laissé ; ččiɣ = j’ai mangé
d taqcict [ttaqʃiʃt] ou [tsaqʃiʃt] = c’est une fille (assimilation d+t)
3. La labio-vélarisation : il s’agit de la prononciation de certaines consonnes en arrondissant les lèvres. Elle est représentée si nécessaire par un petit cercle en exposant dans la notation usuelle.
ag°i = refuser ; ak°er = voler ; teɣ°zi = longueur ; q°jej = être fané, ratatiné ; ax°nac = liège ; wwan (prononciations réelles selon les parlers kabyles : bb°an, gg°an, wwan, pp°an…) = ils sont cuits/mûrs. Elle n’est pas présente dans certains parlers orientaux.
Pour ce qui est des voyelles, on en compte trois : a, i et u auxquelles il faut ajouter la voyelle neutre ou schwa e [ə].
Morphologie
Noms et adjectifs
En général, un nom ou un adjectif est composé d’une voyelle initiale et d’un radical :afus = a (voyelle initiale) + fus (radical) « main »
Le nom masculin commence en général par la voyelle initiale a, i ou u :
afus « main » ; iles « langue » ; ul « cœur »
Le nom féminin se forme généralement sur le masculin par la préfixation et la suffixation de la marque t :
amɣar « vieil homme » > tamɣart « vieille femme »
isli « fiancé » > tislit « fiancée »
tasa « foie » , timess « feu »
Le kabyle possède un singulier et un pluriel. En général, la voyelle initiale a du singulier devient i au pluriel, tandis que les voyelles initiales i et u restent inchangées.
Au pluriel, le radical est soit accompagné d’un suffixe soit il est modifié soit il combine les deux possibilités :
argaz = homme > irgazen = hommes
amcic = chat > imcac = chats
afus = main > ifassen = mains
pluriel supplétif ou hétéroclite : tameṭṭut = femme > tilawin = femmes
Le nom possède deux états :
un état libre et un état d’annexion.
L’état libre (EL) est la forme du nom quand il est par exemple isolé. L’état d’annexion (EA) du nom se manifeste par une modification affectant sa voyelle initiale dans certains contextes grammaticaux :
EL : aqcic / EA : weqcic = garçon
Yewwet aqcic = Il a frappé un garçon. (aqcic = complément d’objet)
Yewwet weqcic = Le garçon a frappé. (weqcic = complément référentiel, correspond au sujet du verbe)
turga = t + urga = elle a rêvé
t = indice de la 3e personne du féminin singulier
urga = thème de prétérit ou accompli
4 thèmes verbaux permettent de conjuguer le verbe aux différents temps ou aspects, accompagné si nécessaire de particules verbales (par exemple pour le futur, l’optatif,… ou pour la négation)
Une des particularités de beaucoup de parlers kabyles est d’avoir conservé une conjugaison propre à certains verbes de qualité au prétérit avec des indices de personnes spécifiques. Elle est encore présente dans d'autres variétés berbères.
Yečča iselman = il a mangé du poisson
Teffeɣ = elle est sortie
A côté de la phrase verbale, il faut signaler la phrase non verbale qui reste très courante. Le type le plus répandu a la forme : particule prédicative d = c’est, ce sont… + nominal :
d amellal = il est blanc (litt. : c’est blanc)
On peut relever néanmoins plusieurs autres types de syntagmes prédicatifs non verbaux basés sur des éléments divers, par exemple :
Prépositions :
ɣur-s axxam = il possède une maison (litt. : chez-lui maison) ;
axxam-a, n Mayas = cette maison appartient à Mayas (litt. : cette maison, à Mayas) ;
Interrogatifs :
anda-t ? = où est-il ? (litt. : où-lui)
Noms :
tehri-ines sin iɣallen = sa largeur est de deux coudées. (litt. sa largeur deux coudées)
etc.
L’état libre (EL) est la forme du nom quand il est par exemple isolé. L’état d’annexion (EA) du nom se manifeste par une modification affectant sa voyelle initiale dans certains contextes grammaticaux :
EL : aqcic / EA : weqcic = garçon
Yewwet aqcic = Il a frappé un garçon. (aqcic = complément d’objet)
Yewwet weqcic = Le garçon a frappé. (weqcic = complément référentiel, correspond au sujet du verbe)
Verbe
Une forme verbale est constituée d’un thème verbal (qui indique l’aspect : accompli, inaccompli, etc.) et d’indice(s) de personne :turga = t + urga = elle a rêvé
t = indice de la 3e personne du féminin singulier
urga = thème de prétérit ou accompli
4 thèmes verbaux permettent de conjuguer le verbe aux différents temps ou aspects, accompagné si nécessaire de particules verbales (par exemple pour le futur, l’optatif,… ou pour la négation)
Une des particularités de beaucoup de parlers kabyles est d’avoir conservé une conjugaison propre à certains verbes de qualité au prétérit avec des indices de personnes spécifiques. Elle est encore présente dans d'autres variétés berbères.
Syntaxe
La phrase verbale simple est constituée d’une forme verbale accompagnée éventuellement de compléments :Yečča iselman = il a mangé du poisson
Teffeɣ = elle est sortie
A côté de la phrase verbale, il faut signaler la phrase non verbale qui reste très courante. Le type le plus répandu a la forme : particule prédicative d = c’est, ce sont… + nominal :
d amellal = il est blanc (litt. : c’est blanc)
On peut relever néanmoins plusieurs autres types de syntagmes prédicatifs non verbaux basés sur des éléments divers, par exemple :
Prépositions :
ɣur-s axxam = il possède une maison (litt. : chez-lui maison) ;
axxam-a, n Mayas = cette maison appartient à Mayas (litt. : cette maison, à Mayas) ;
Interrogatifs :
anda-t ? = où est-il ? (litt. : où-lui)
Noms :
tehri-ines sin iɣallen = sa largeur est de deux coudées. (litt. sa largeur deux coudées)
etc.